mercredi 21 novembre 2007

Poésie nocturne

Un temps à ne pas mettre un scaphandre en apesanteur !
Presque 840 à mon autochrono. Nous voilà, comme prévu, dans le cône d'ombre de la terre. Ce que les terriens appellent une éclipse de lune. Moi j'appelle ça un peu de divertissement ! Tourner en rond, toujours lui faire face, il y a un moment où on sature ! Gaïa qui nous nargue avec ses couleurs, avec ses nuages... ses nuages... sa pluie ! La sensation de ces gouttes, tantôt grosses, tantôt fines, parfumées selon la saison... et cette humidité qui vous chatouille les poumons. J'ai toujours eu les bronches fragiles ; mon docteur dit le contraire. « Hormis votre prothèse à l'épaule, vous êtes comme neuf !» Il a juste oublié d'ausculter mes neurones... en patraque, un vrai carnaval sous mon scalp. Je ne fait plus aucun de rêves, ou bien seulement ce remake incessant de ce soir qui ... Non ! Il faut que j'arrête avec ça...
Le vent... j'en ai perdu le souvenir. Ce ne sont pas ces fichus courants d'air qui vont m'en consoler. Ils vont et viennent, insidieux, léchant de leurs langues glacées mes côtes ou mes orteils. C'est malsain. Non pas qu'on en tombe malade (ou du moins pas moi) mais plutôt qu'il y a plus à en perdre la tête. Comme s'ils avaient fait exprès ! Un peu de paranoïa par moment ne fait pas de mal !
850 ...
Il devrait faire « nuit » sur Exo-10.
Je suis peut-être en retard...
Il paraît qu'il y a longtemps on faisait des montres à cadrant, à ressorts... j'ai jamais rien compris à la mécanique, mais il semble que c'est beaucoup de fatigue pour pas grand chose... « Comment peut-on travailler ou vivre sans outil de mesure du temps précis ? », rabâchait-il. Un sacré personnage le commandant. J'ai fini par garder ses tics tiens ! Un peu fêlé, mais pas trop le choix pour atteindre un poste pareil. Toujours perdu dans ses cartes, dans ses relevés topo et ses plans de troupes. Je me demande bien quel intérêt on peut trouver à combattre de la sorte ! On était une vingtaine dans ce vaisseau, quand même ! Une belle équipe... j'y serais bien resté si ... Nom de nom !
Sa montre ne retardait pas. Si Exo-10 restait dans le jour, ce n'était qu'artificiel. Une lueur baignait les stations du secteur 1 de ces douces couleurs pastels. On eut pu croire à un apaisant tableau, mais ça n'était que mort et destruction. Le TL01 n'a pas atteint l'orbite de pré lancement. Il n'en a pas eu le temps... Pas d'onde de choc, pas de bruit d'explosion, juste le spectacle encore plus terrifiant d'un géant éventré et lamentable... Comme un film mal monté, la succession des deux scènes en ferait frissonner plus d'un. La surprise en était renforcée par l'improbabilité d'un tel « événement ».
Tout l'arrière du vaisseau est en miette ! Les moteurs ont du amplifier l'explosion. A première vue c'est un sabotage, une bombe... je vois pas comment une attaque pourrait produire de tels dégâts ! Ou alors un accident du réacteur primaire... Mais non, ça ne colle pas, si j'ose dire, avec le « résultat ».
Décharné, les lambeaux lamentables vont pleuvoir sous peu. Ça va causer un sacré merdier ç't'affaire !
Bien que faiblement armé, il n'en restait pas moins redoutable. Peu de pirates ont les moyens d'attaquer cette classe de vaisseaux. On a longtemps cru que leur seule présence suffirait à pacifier le système. L'amirauté va réagir, et ça sera assurément pas très joli à voir... On fait état de 2000 engins TN à sa disposition. Une sacré force de frappe, sans équivalent connu. Ils l'ont toujours nié, mais ça ne prend pas ! Chacun de ces missiles pourrait anéantir une petite flotte. Il ne va pas faire beau être contrebandier.
Ça y est, l'alarme d'évacuation a fini par retentir dans les couloirs... toujours aussi désagréable ! Enfin je dis ça, j'en ai jamais entendu de vrai, c'est tout juste si on a fait un exercice en 3 ans. Bon du coup je fais quoi moi ? Je suis pas du genre à paniquer, mais il faudrait pas qu'un morceau de carlingue nous tombe sur le coin de la verrière ! Bon direction le niveau inf', je vois pas trop ce que je peux faire d'autre de toute façon...
A force de errer dans ces couloirs, j'avais fini par me convaincre de l'abandon de la base. Il est toujours curieux d'observer ce fourmillement désordonné d'humains en panique. Quels sauvages, c'était bien la peine de se civiliser et de mettre au point des procédures d'évacuation !
Il y a de tout dans cette station : ça va du troufion réserviste au général de division en passant par les industriels et les contrebandiers (qui se cachent bien de l'être, sale temps pour les cafards). Cela dit j'ai pas non plus le temps d'observer mes semblables... c'est quelle échelle qu'il faut prendre ?

Aucun commentaire: